La « Boucle documentaire » adresse une lettre ouverte au Président de la République

Naais et la Boucle documentaire (16 associations d’auteur.rice.s-réalisateur.rice.s régionales et nationales) ont rédigé, co-signé et adressé une lettre ouverte au Président pour la défense du documentaire de création pendant la crise du Covid-19 envoyée également au Ministère, aux syndicats, au CNC et la SCAM.

Monsieur le Président de la République,

En préalable à votre allocution du 6 mai 2020, Monsieur le Président de la République, vous écriviez :

« Aux artistes qui se sont exprimés, je veux dire que je les entends. L’État continuera de les accompagner, protègera les plus fragiles, soutiendra la création. L’avenir ne peut s’inventer sans votre pouvoir d’imagination ».

Nous, auteur·rices de documentaires indépendants dont le réel est la matière, vivant et travaillant sur l’ensemble du territoire national, vous remercions de votre désir de soutenir la création et de protéger les plus fragiles.

Nous nous réjouissons de cette « année blanche » à laquelle vous vous êtes engagé pour l’ensemble des intermittent·es du spectacle, et nous espérons qu’elle sera effective à partir de la date anniversaire de chacun. Nous attendons la publication des décrets et restons vigilants quant aux modalités de cette année blanche.

Cependant, les mesures que vous avez annoncées pour soutenir le secteur des arts et de la culture laissent sur le bord du chemin bon nombre d’entre nous, une partie seulement des réalisateurs et réalisatrices de documentaires travaillant dans le cadre du régime de l’intermittence du spectacle.

La réalisation d’un documentaire demande un travail qui s’étend sur une période de 2 à 5 ans, quelquefois plus. Nous sommes tributaires des calendriers de commissions d’aides de plus en plus rares et sélectives et du temps de prises de décisions des bailleurs de fonds. Et, nous devons être disponibles à tout moment pour le travail en cours.

Le régime d’assurance chômage des intermittent·es du spectacle, auquel nous cotisons, se base sur un renouvellement annuel de nos droits. Mais, puisqu’il nous faut plus d’un an pour écrire, développer, tourner, monter et achever un film, nous passons régulièrement par des périodes sans aucun revenu.

En l’absence d’un véritable statut d’artiste-auteur·rice, celles et ceux d’entre nous qui sont ainsi exclu·es de l’assurance chômage font malheureusement partie des « plus fragiles ». Pour beaucoup, cette année blanche reconduira simplement une absence de revenus et d’amortisseur social.

Comme pour la grande majorité des artistes-auteur·rices, la crise du Covid vient accentuer la situation de précarité des cinéastes, alors même que l’ensemble du secteur repose sur leur possibilité de créer. Le rapport Racine a d’ailleurs mis en lumière la complexité et la fragilité de nos métiers.

Nous produisons de la connaissance et de la richesse. Nos films sont reconnus et largement montrés dans des festivals nationaux et internationaux. Ils sont diffusés dans les cinémas, les médiathèques, les établissements scolaires et servent de référence à l’enseignement depuis l’école primaire jusqu’à l’université.

Nous, auteur·rices, réalisateur·rices de documentaires indépendants, sommes au cœur de la société civile et largement investi·es dans les dispositifs de médiations culturelles. Nous enseignons, nous accompagnons, nous créons du lien social.

Paradoxalement, nos films sont souvent écartés des diffusions télévisuelles nationales. Pourtant, cette crise montre la nécessité pour l’audiovisuel public d’être un acteur essentiel d’une continuité nationale culturelle et du maintien d’une intelligence collective. C’est aussi l’outil indispensable d’une politique de « nation apprenante ».

Vous vous êtes engagé à ce que l’Etat accompagne les plus fragiles.
Vous vous êtes engagé à ce que le « monde d’après soit différent ».

La crise sanitaire révèle les failles d’un système qui met à mal les plus précaires et atteint des réalisateurs et réalisatrices qui pourtant travaillent et voient leurs films largement reconnus.

De toute urgence,

Nous demandons que cette année blanche soit étendue à tous·tes les salarié·es à l’emploi discontinu, quel que soit leur secteur.

Nous demandons que l’accès à un revenu de base soit assuré à l’ensemble des auteur·rices, réalisateur·rices, quel que soit leur statut en dehors de l’intermittence, selon des critères élaborés en concertation avec les organisations professionnelles.

Nous demandons à ce que, dès septembre 2020, tous·tes les cinéastes puissent enseigner en tant que vacataires quel que soit leur statut (artistes – auteur·rices / technicien·nes) et le montant de leur revenu.

Dans la logique d’un plan de relance et de sécurisation, nous demandons que le service public de l’audiovisuel ouvre davantage ses grilles de programmes aux documentaires indépendants en phase avec la diversité de la création et de la société.

Enfin, nous demandons, sous l’égide du Ministère de la culture, l’organisation d’états généraux des artistes – auteur·rices, afin que toutes et tous, quel que soit leur secteur, puissent bénéficier des mêmes droits.

Nous nous tenons à votre disposition pour participer à l’élaboration de ce « monde d’après » que nous appelons, comme vous, à être différent.

La Boucle documentaire,

Aarse Paca (Association des Auteurs Réalisateurs du Sud-Est – Provence-Alpes-Côte d’Azur), Asso Acid (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion), Addoc – Association des Cinéastes Documentaristes (Association des cinéastes documentaristes), Auteurs Réalisateurs En Bretagne (Auteurs Réalisateurs en Bretagne), Aparr (Association des Professionnels du cinéma et de l’Audiovisuel Bourgogne-Franche-Comté) et Les petites caméras (Association de Cinéastes en Bourgogne-Franche-Comté), ARNO – association Auteur.e.s Réalisateur.trice.s en Normandie (Auteurs Réalisateurs Normands), Collectif Aura Aura (AUteurs Réalisateurs Associés – AUvergne-Rhône-Alpes), BAAR (Bureau des auteurs et réalisateurs du Centre), Cinéastes de la Réunion (Association des auteurs-réalisateurs et scénaristes de La Réunion), CRAC (Collectif de réalisateurs – auteurs Corses), Association NAAIS (Auteurs de l’Image et du Son en Nouvelle-Aquitaine), Real Occitanie (Association des Réalisateurs, Expérimentateurs et Auteurs en Occitanie), Safire Grand Est (Société des Auteurs de Films Indépendants en Région Est), Safir Hauts-de-France (Société des Auteurs de Films Indépendants en Région – Hauts-de-France), La Srf – Société des Réalisateurs de Films (Société des Réalisateurs de Films)

Consulter le communiqué