Je suis née le 5 août 1976. C’est la sécheresse. Les vaches mangent la terre. Des paysans se suicident. Ma mère a 18 ans, elle m’allaite et tire son lait nourrissant ainsi plusieurs prématurés. Le médecin arrive, suivi par sept jeunes internes. Sans un mot, sans un regard pour elle, il soulève sa blouse et leur présente « les mamelles de la France ».
J’ai été serveuse en patins à roulette, étudiante en Histoire à Jussieu, sélectionneuse de blé expérimental en plein air, vagabonde sur les traces de Jean Rouch au Moçambique, réalisatrice de films documentaires plus ou moins ratés, preneuse de son sur les pentes de l’Etna un jour d’éruption, détentrice du permis de chasser et bientôt de piégeage, lauréate de la bourse Brouillon d’un rêve sonore de la SCAM, tireuse à l’arc a cheval..
Annie Ernaux disait hier à la radio que l’âge idéal se situait pour elle entre 45 et 60. Justement, j’ai 45 ans et je commence à me sentir à ma place. A faire du cinéma pour les oreilles, à jouer avec les sons, les mots, la profondeur, le trouble, à oser enfin raconter des histoires de blouse et de fer à repasser, d’amour et de fusil de chasse.